9 juillet [1760]
Mon divin ange je crois que la plaisanterie ne finira pas.
On dit qu'il la faut courte. Mais celle cy m'amusera longtemps, à moins qu'elle ne vous ennuie.
Il me vient une idée que vous avez sans doute. Il faut en dépit des dévots mettre Diderot de l'académie. Mettez vous à la tête de la caballe. Nous aurons pour nous tous les philosophes. Mr de Choiseuil, madame de Pompadour ne s'opposeront pas à son élection. Je me flatte même qu'ils nous aideront. Quelle réponse ce serait à l'infamie de Palissot. Entreprenez cette affaire et réussissez. Je serai au comble de la joye. La chose ne me paraît pas difficile, et si elle l'est c'est une nouvelle raison pour l'entreprendre.
N. b. dans l'Ecossaise, page 25, quand le chevalier Montrose sort, et qu'avant de finir la scène 3ème il demande à part à Fabrice, si mylord Falbridge est à Londres, et qu'il demande au maître du caffé si ce lord vient souvent dans la maison, le caffetier répond, il y vient quelquefois, il doit répondre, il y venait avant son voiage d'Espagne. Cette petite particularité est nécessaire 1. pr faire voir que Monrose ne vient pas sans raison se loger dans ce caffé là, 2. qu'il a besoin de Falbridge, 3. pour prévenir les esprits sur la mort de ce Falbridge, 4. pour fonder la demeure de Lindane près d'un caffé où ce L. Faldbridge vient quelquefois. C'est un rien, mais rien, c'est baucoup.
Mon cher ange la détention de la chair fraîche du landgrave ne se confirme pas. Cependant je ne parierais pas contre.
Je vous écris fort à la hâte, mais j'ay bien plus de hâte de recevoir de vos nouvelles. Je n'ay pas un moment à moy car j'ay quelque chose en tête, et toujours pour rire. Par le sang bleu je ne croiais pas être si plaisant que je suis.