1760-06-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon divin ange la paix sera aussi difficile à établir parmy les gens de lettres qu'entre la France et l'Angleterre.

Palissot m'envoye sa pièce, et m'écrit. Jugez de sa lettre par ma réponse. Je prends la liberté de vous l'adresser, et en même temps je vous conjure de me dire s'il est vray que Diderot ait fait deux libelles contre mesdames de Robec, et de la Mark. Cela peut être vray, mais cela n'est pas possible.

Vous pouriez bien avant d'envoyer ma réponse à Palissot la faire transcrire ne varietur car je dois craindre qu'on ne me reproche d'être complice de la comédie des philosophes. Dieu soit loué qu'on ne joue point Medime. Elle viendrait mal à propos, elle serait siflée. Il est très heureux, très décent qu'on ne me joue pas après les philosophes.

D'ailleurs mon cher ange je suis à vos ordres. Décidez pr Socrate, pr l'Ecossaise. Je ferai tout ce qu'il faudra. Je suis en train d'aimer le tripot, et de rire.

N'abandonnons point le droit de cuissage. Il me semble qu'on en peut faire quelque chose de très intéressant. Le 4 et le 5 étaient à la glace mais en quinze jours on ne peut avoir un feu égal dans son fournau.

Cela ne ressemblera point à Nanine.

Pourquoy ne feriez vous point jouer Rome sauvée? Mais avez vous des acteurs? Si vous n'en avez point pour Catilina, vous n'en aurez pas pour la mort de César, et vice versa. Mon cher ange comment se porte madame Scaliger?

Il me prend quelquefois des fureurs de venir vous voir. Mais il faut se contenir, il faut marcher toujours sur la même ligne.

Paris que veux tu de moy?
Mon cœur n'est pas fait pr toy.

Il est fait pour vous mon cher ange.

V.