à Tourney, par Geneve 26 may [1760]
Mon cher et grand philosophe j'ay suivi vos conseils, j'ay retiré ma pièce.
Je n'ay pas voulu que les comédiens jouassent quelque chose de moy immédiatement après avoir déshonoré la nation. Comme je ne donnais mon très faible drame ny par vaine gloire ny par intérest et que j'abandonne tout aux comédiens, je ne perds rien à mon sacrifice.
Je n'ay point vu la pièce contre les philosophes, j'en ignore jusqu'au titre. Il pleut des monosillabes. On m'a envoyé les que, on m'a promis les oui, les non, les pour, les qui, les quoy, les si. Il est très bon de rire aux dépends des faquins qui font les importants et des absurdes faiseurs de réquisitoires; je crois que chacun aura son tour.
On parle d'une comédie de Hume à la tête de la quelle on vous appelle par votre nom.
Pouriez vous me rendre un petit service? J'ay fait jadis des éléments de Neuton. Ils se trouvent dans L'édition des Crammer. Je les ay fait examiner avec soin, on trouve que je ne me suis pas mépris. Pourai-je les faire approuver par l'académie des sciences? Comment faut il s'y prendre?
Mettez moy un peu fait des sottises courantes, je tâcherai de les peindre. Cela m'amuse, quand je digère mal. Vous devriez venir nous voir, les Crammer imprimeraient tout ce que vous voudriez, et à l'égard des plats sociniens honteux, vous les recevriez dans votre antichambre comme de raison.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Ainsi fait me Denis.
J'apprends que demoiselle Clairon est malade. Cela concourt à la soustraction de ma pauvreté tragique, mais je ne veux pas que cela m'en ôte l'honneur.
V.