par Genêve au château de Tournay 14e Mars 1760
Le planteur de choux, et le semeur de grains n'a pas oublié, Monsieur, d'envoyer en son temps, vôtre Lettre à Mr de la Tourette.
Vous me parlez de fossiles et de curiosités naturelles; si je pouvais trouver quelque chose de râre pour le cabinet de Monsgr l'Electeur Palatin, vous me feriez grand plaisir de me l'indiquer. Je me souviens d'avoir vû à Berne du sable d'une petite rivière qui donne dans L'Aar. Ce sable vû au microscope est un amas de pièrres prétieuses; n'y aurait-il point encor quelques autres colifichets pour amuser les curieux; je fais plus de cas dans le fonds d'un bon champ de bléd, et d'une belle praîrie. Mon cabinet de phisique est ma campagne; mes curiosités sont des charües et des semoirs; mais il faut que les princes ayent ce que les autres hommes n'ont pas: de belles coquilles du temps du déluge, de belles pierres qui enfermaient un poisson lequel n'a jamais éxisté, des congellations qui ne sont bonnes à rien, quelque animal né avec deux têtes, quelque belle maison de collimaçon; on a raison de rechercher toutes ces drogues si elles font plaisir.
Je ne crois pas que le Bonneville qui est à Pierre Encise y soit pour les vers du roy de Prusse; on le soupçonne de quelque prose, et pour le roy de Prusse on le soupçonne d'être fort mal dans ses affaires.
Cet impudent Grasset fruitur diis iratis, et malgré la déffense de L: L: E: E: imprime tout ce qu'il veut à Lausanne sous le nom d'un autre; ce malheureux m'écrivit il y a cinq ou six mois la Lettre la plus punissable signée de son nom, d'une écriture contrefaitte et qui n'est pas la sienne. Si jamais je fais un tour à Lausanne, il entendra parler de moi; adieu, Monsieur, ne m'oubliez pas je vous prie auprès de Mr et de made de Freüdenrick.
tuus V.