1770-10-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Joseph Dorat.

Je vous dois, Monsieur, autant de remerciements que d’éloges.
Les sentiments dont vous m’honorez, et les vers charmants que vous avez faits pour Mr Diderot pénêtrent mon cœur. Les journaux seront enrichis par de telles pièces qui manifestent la générosité de vôtre âme autant que vos talents, ils seraient déshonorés par le nom de Fréron. L’union entre le véritables gens de Lettres n’a jamais été si nécessaire. C’est uniquement pour ériger un monument de cette union que les personnes du plus râre mérite au nombre du quel vous êtes ont voulu emploier le ciseau de Mr Pigalle. Je n’ai été que leur prête nom. Ils ont fait voir à l’Europe qu’ils sont unis et qu’ils pensent avec noblesse. Par là ils se sont mis au dessus de ceux qui veulent les abaisser; et ils se rendent respectables malgré tous les éfforts qu’on fait contre eux. Les places de l’académie deviennent de jour en jour plus prétieuses, et plus dignes des principaux citoiens de Paris qui joignent le mérite personel à celui de leur famille.

Dans cette situation où sont aujourd’hui les lettres c’est une grande consolation pour moi, Monsieur, de pouvoir déjà compter parmi mes amis un homme dont les talents et les grâces m’avaient fait tant de plaisir avant que je fusse à portée de connaître ses qualités essentielles.

J’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus vifs, et dont vous ne pouvez douter, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur.

Permettez moi de présenter mes très humbles obéissances à Mr de Pezay, qui doit partager tous les tributs d’estime que je vous dois.