1760-03-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Abram Elie Daniel Clavel de Brenles.

Vôtre petit mémoire, mon cher ami, est une bonne provision pour l'histoire, mais il doit servir encor plus à la philosophie; il peut apprendre aux hommes nés libres, qu'ils ne doivent point vendre leur sang à des maîtres étrangers qu'ils ne connaissent pas, et qui peuvent leur faire plus de mal que de bien.
J'ai la plus grande envie de venir philosopher avec vous, avant que vous retourniez à Ussières; je ne regrête guères les Bals et les comédies, mais je regrète beaucoup vôtre conversation. Je vous prie de vouloir bien ne me pas oublier auprès de vos amis, et surtout auprès de Monsieur le Baillif de Lausanne et de Made son épouse. La vôtre vous a t'elle donné quelque petit philosophe? Je vous embrasse de tout mon coeur. Adieu, la misère et le trouble sont en France, nous avons icy le nécessaire et la paix.

V.