1768-03-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

Mon très cher et très aimable philosophe, il est vrai que je veux vendre Ferney.
Je suis las de vivre en fermier général ou en prince de l'Empire. Nos affaires ont été très dérangées pour avoir donné pendant quatorze ans bals, ballets et comédies, et pour avoir été les aubergistes de l'Europe. Made Denis va tâcher de rassembler quelques débris à Paris. Je lui donne vingt mille francs de pension, et je me réserve de quoi vivre philosophiquement à Tournay, si je puis trouver un prix raisonnable de Ferney. Quiconque l'achêtera ne poura que faire un très bon marché. Puisque vous avez la bonté de m'en procurer la défaitte vous recevrez demain un mémoire très fidèle concernant la terre. J'aurai l'honneur de vous parler une autrefois de Paul apôtre. Permettez qu'aujourd'hui le spirituel soit un peu sacrifié au temporel.

Si vous n'avez plus besoin du militaire philosophe je vous suplie de me le renvoier.

Je vous embrasse en Zwingle qui pensait que toutes les religions étaient bonnes excepté la tirannie romaine.

V.