1760-01-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Madame,

Le suisse malade, le suisse entourré de neiges, a l'honneur de vous écrire.
Pouvez vous me faire la grâce de me mander si vous avez à Vienne un chambellan de l'Empereur, nommé Pignatelli, Comte de Bizaetre? famille papale, ce qui n'est pas trop respectable pour une Comtesse de L'Empire huguenotte; mais qui le sera beaucoup pour Vansuiten.

Il n'y a pas d'aparence, madame, que dans le temps que toutes les troupes sont à la glace, vous puissiez m'envoyer sitôt de vos belles feuilles de Laurier; mais enfin, j'en attends dès que le temps sera un peu plus doux; il m'en faut absolument, car ce n'est qu'avec des Lauriers que vous aurez de bonnes olives; aucune plante ne prospère en France, depuis deux ou trois ans, excepté les chardons. Heureusement, nous avons à présent un excellent jardinier, qui s'appelle Mr le Duc de Choiseuil, et qui a apris son mêtier à Vienne.

S'il fait aussi froid sur les bords du Danube que sur les bords de mon Lac, je crains bien que la santé de Mr L'ambassadeur de France, et de Made l'ambassadrice ne soit altérée; Mr le Comte de Choiseuil n'avait pas à Paris un Corps tout à fait digne de son âme; je ne sçais actuellement comment il est; je vous prie instamment, Madame, de me mettre à ses pieds, et à ceux de Made la Comtesse de Choiseuil.

Les triangles, madame, sont une belle figure de géométrie; trois beau côtés, bien unis par trois bons angles. Celui qui a inventé cette figure était un grand homme.a

Je vous suis attaché jusqu'au tombeau avec le plus tendre respect.

V.