1760-07-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Got soit béni madame et vous aussi.
L'oncle et la nièce se flattent que la victoire de M. de Laudon est complette. Plusieurs lettres parlent de huit mille prisoniers, mais nous tenons à vos trois mille. Cela est bien honnête. Voylà donc la Silésie ouverte aux armes victorieuses de votre auguste impératrice. Il est à croire que ses victoires amèneront la paix. Si on y va du même train, elle n'aura plus d'ennemis à la fin de la campagne. Touts ceux qui s'intéressent à sa prospérité et par conséquent au bonheur public espèrent que M. le maréchal de Dawn suivra bientôt l'exemple de Mr de Laudon, et que les Russes les seconderont. L'année 1760 sera mémorable à jamais, et Le repos de La divine Marie Terese ne sera plus troublé. L'archiduc va se marier sous des auspices bien favorables. Ses mirthes seront tout couverts de lauriers. Les affaires ne me font pas oublier madame vos affaires particulières. Je suis occupé sans cesse de Mr du triangle et du chicanneur. Ce chicaneur m'a envoyé quelques uns de ses mémoires que j'ay mis en bonnes mains, et qui n'ont pas rendu sa cause meilleure. J'espère qu'il perdra son injuste procez, et que Monsieur du triangle qui connaît une partie de ses abominables manœuvres luy fera payer tous les frais d'une affaire si injuste.

Je n'ay point de nouvelles madame à vous mander de Paris; vous avez pleuré sans doute la mort de madame la princesse de Zerbst votre amie. D'ailleurs tout ce qui se passe aujourdui dans cette capitale des plaisirs est assez triste et assez ridicule. Je ne songe qu'à mes campagnes, à mes moissons, à mes vins; mais baucoup plus à vous madame pour qui j'aurai toutte ma vie le plus respectueux et le plus fidèle attachement.

le suisse V.