aux Délices 5 xbre [1757]
Vous prenez des villes madame et de grosses garnizons prisonières de guerre pendant que nous autres français accompagnez de vos cercles nous perdons des batailles et que nous prenons nos jambes à notre cou quand nous sommes à peu près trois contre un.
La perte est grande, la honte plus grande encore. Tout était fini si on avait seulement tenu les prussiens en échec. Le Maréchal ou général Marshall avançait dans le Brandebourg tandis que vous preniez Shwednits et que vous pénétriez en Silésie, et on pouvait avoir au printemps une paix glorieuse. Voilà ce que disent les gens du métier. Je n'ay pas l'honneur d'en être. Je me borne à souhaitter un plein succez au grand homme que vous êtes à portée de voir quelquefois. Peutêtre a t'on donné quelque bataille nouvelle au moment que j'ay l'honeur de vous écrire. Car on en donne touttes les quinzaines. Si on avait gagné celle du 5 novembre, elle eût été la dernière. C'est un grand malheur et qui poura coûter encor bien du sang.
Comme j'allais continuer mes doléances et mes proféties, arrive votre lettre du 25. Dix sept ponts et treize attaques, voylà qui humilie treize fois notre armée de Soubise, et qui donne treize courones de lauriers à votre digne impératrice, au grand homme qui dirige tout, et au brave maréchal de Dawn qui exécute tout. Je crois qu'enfin malgré la détestable avanture de Mersebourg, votre grand homme viendra à bout de son entreprise. Pourquoy faut il que la Reine de Pologne soit morte avant d'avoir vu vos derniers succez? Ah madame, madame, vous ne quitterez jamais une cour où l'on se couvre de gloire, vous ne viendrez point dans nos retraittes. Je renonce à vous à moins que quelque jour je ne fasse le voiage pour vous reprocher vos perfidies, et pour admirer ceux qui vous rendent infidèle.
Mille tendres respects et autant de compliments.
V.