[29 juillet 1757]
Voilà donc mon cher monsieur notre affaire terminée avec l'Electeur palatin.
Elle ma parait assez bonne. Je vous remercie d'y avoir contribué. Il ne s'agit plus que de vivre mais il est plus aisé de se faire des rentes viagères que d'en jouir longtemps. Nous embelissons deux retraittes bien agréables. Vous verrez que vos Délices mériteront leur nom malgré le soin que prit mr Mallet de bâtir une maison écrasée.
Nous avions bu deux demi bouteilles du petit tonnau malaga quand vous nous avez instruits de la méprise. Ainsi reste à 128. Il n'y a plus moyen de les envoier à leur destination. Tout sera réparé en faisant tenir au baron Labat ce que vous me destiniez.
Rien de nouvau de la Boheme. On se flatte toujours qu'il y aura quelque batailles, quelques miliers d'hommes égorgez pour nous amuser. Valé.
V.
Il y a une autre grâce à vous demander. C'est pour les Pichons. Ces Pichons sont une race de femmes de chambre et de domestiques transplantée à Paris par me Denis et consorts. Une Pichon vient de mourir à Paris et laisse de petits Pichons. J'ay dit qu'on m'envoiât un Pichon de dix ans pour l'élever. Aussitôt un Pichon est parti pour Lyon. Ce pauvre petit arrive, je ne sçais comment. Il est à la garde de dieu. Je vous prie de le prendre sous la vôtre. Cet enfant est ou va être transporté de Paris à Lyon, par le coche, ou par charette. Comment le savoir? où le trouver? J'aprends par une Pichon des Délices que le petit est au panier de la diligence. Pour dieu daignez vous en informer. Envoyez le nous de panier en panier. Vous ferez une bonne œuvre. J'aime mieux élever un Pichon que servir un roy, fût ce le roy des Vandales. Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
Vous savez la prise de Gabel et du beau régiment le vieux Wartemberg à parements noirs, plus 500 houzards prisoniers. Si on prend Gorlits, qui est au delà de Gabel, on est en Silésie. Cependant l'ennemi est toujours en Boheme. On se livre dans Vienne à une joye folle. On chante les chansons du pont neuf sur le Roy de Prusse.