1757-08-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Ma chère nièce, je remercie d'abord, avec vôtre permission, le grand écuier de Cyrus de ses nouvelles.
Mr le maréchal de Richelieu m'avait parlé des chars, et les avait renvoiés en Assirie. Je doute fort qu'il aille au païs d'Hanovre relever le maréchal D'Estrées, à moins que Mr D'Estrées ne soit blessé à mort. On prétend que le 24 juin il y a eu bataille, ne vous déplaise, entre les français et les hanovriens, que ceux cy ont été coucher à Hamelen, et que les français ont couché sur le champ de bataille faute de lits. Je doute de cette bataille; mais si elle est vraie ce n'est guères le temps d'ôter le commandement à celui qui vient de remporter une victoire.

Non seulement nous savons depuis quinze jours la prise de Gabel en Boheme, mais nous savons celle de Gorlitz sur le chemin de la Silésie, et celle de Zittau; et peut être savons nous trop, car je doute de Zittau. On parle d'un convoi coupé, on dit que la foudre s'en mêle, et qu'elle est tombée par prélude sur un magazin de Luc, qu'il abandonne Leitmérits, qu'il ne sait que faire, et que dans son dépit il a fait arquebuser quarante de ses officiers pour attacher les autres à son service; quel Salomon! Je doute de tout celà. On l'écrit de Ratisbonne. On me mande de l'armée autrichienne de Bohême que Luc est perdu. Je doute encor; mais les choses s'éclairciront dans peu. C'est un prince très éclairé, très au fait, très bon officier, qui me mande que ce Luc est sans ressource, et cependant, je veux douter, àfin de n'avoir pas de fausse joie.

Cette Litanie de mes doutes étant épuisée, je prie Mr le grand Ecuier de vouloir bien nous mander ce qu'il saura de certain…….