1759-09-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Mme — de La Cour.

Madame,

Je vois à la fermeté de vos idées que vous êtes anglaise, et à votre style qu'il faut ambitionner votre suffrage; vous me rendez justice quand vous dites que j'aime la vérité; je ne passe pas pour être flatteur; et lorsque je parlai du siège de Pondichery dans l'histoire universelle, je n'en parlai que sur les nouvelles publiques confirmées par l'honneur que le roi fit à m.
Dupleix de lui donner le grand cordon de St Louis quoiqu'il ne fût pas militaire; je devais croire que le service était réel puisque les récompenses étaient si grandes, et la conservation de Pondichery est un fait assez important pour que l'histoire en fasse mention. Ce même amour pour la vérité joint à mon horreur contre la persécution m'a fait prendre le parti de m. de La Bourdonaye. L'un avait défendu Pondichery, l'autre avait pris Madras, et j'ai donné la préférence au vainqueur de Madras, parce qu'il était injustement persécuté. Je me flatte que ces sentiments ne vous déplairont pas. S'il est prouvé que je me suis trompé vous pouvez être très sûre, madame, que je me rétracterai dans la nouvelle édition qu'on va faire de l'histoire générale. Si vous daignez, madame, me communiquer vos mémoires sur les choses qui peuvent vous intéresser ils seront pour moi de nouveaux moyens de trouver la vérité que je cherche en tout, et à laquelle je sacrifie. Je voudrais bien que mes sentiments me donnassent quelques droits à votre estime.

J'ai l'honneur d'être avec respect

madame

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhomme orde de la chambre du roi