Aux Délices 11e xbre 1761
Votre nom, monsieur, est un de ceux qui doivent le plus honorer made-moiselle Corneille et le grand homme dont elle porte le nom.
Agréez sa reconnaissance et la mienne. Ce qui me touche encore plus, c'est vôtre goût pour les beaux arts, c'est la connaissance parfaite que vous avez de notre langue; c'est qu'en vérité il n'y a personne dont j'ambitionne plus le suffrage. Mon plaisir est toujours égal à mon étonnement, quand je songe que c'est à Pétersbourg qu'est né un de nos meilleurs juges. Auriez vous, par hasard, connu mr Ivan Alétof, qu'on appelait le Russe à Paris? Il était un peu malin, mais il n'avait pas votre esprit et vos grâces.
Pourrai je me flatter, monsieur, si vous allez à Paris que vous prendrez le chemin de Genève? Je vous supplierais très instamment de me donner la préférence sur les Ballances et sur les Trois Rois. Puis je prendre la liberté de faire ici mille tendres compliments à mr Pictet? Il est si heureux auprès de vous et si sensible à tout ce que vous valez, que vous me pardonnerez de bon cœur cette liberté. Comptez à jamais, monsieur, sur le sincère et tendre respect, avec lequel je serai toute ma vie
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire