à Fernex 1er aoust [1759]
Je serais bien confus de tout ce que vous avez fait s'il n'y avait pas un plaisir extrême à être obligé par vous.
Vous êtes le plus aimable président qui soit au monde. Comptez que tous les présidens ne sont pas aussi officieux que vous. On n'en trouverait pas même aux terres australes.
Je sens que j'aurais choisi des terres dans votre voisinage plustôt qu'ailleurs, si mon goust extrême pour la liberté ne m'eût décidé à me faire, franco-genevo-suisse, afin qu'étant sur trois territoires comme Hecaté je ne dépendisse de personne autant que faire se peut. J'en suis venu à bout et je tiens que c'est un tour de force.
Monsieur Tronchin devait payer l'argent dû à la chambre des comptes, mais puisque vous avez poussé vos bontez jusqu'à vouloir bien avancer l'argent il faudra bien aussi que vous ayez celle d'ordonner à vos gens d'affaires de se faire rembourser par mr Tronchin de Lyon. Il fait tenir de l'argent à Di-jon très commodément, et le président des terres australes s'est apperçu de cette facilité. Trouvez donc bon que je prenne la liberté de vous adresser une lettre de change tout comme si vous n'écriviez pas des lettres très aimables.
On dit toujours l'ordre desReverends Peres Jesuittes aboli en Portugal. Votre domestique serait très bien reçu dans mes hermitages puis qu'il y parlerait de son ancien maitre, mais malheureusement je n'ay que trop de domestiques. Je suis àprésent comme Trimalcion, je demande à un valet, à qui êtes vous? et il me répond qu'il est à moy; et je suis tout honteux. Vous avez très bien fait et je vous remercie d'avoir eu la bonté de m'envoyer le contract par la poste. Les pauvres résidents n'ont point leur port franc. Celuy de Geneve sert très bien et est mal payé. C'est un très bon homme qui est fort de mes amis.
Le roy fait les frais d'une décorations de jardins en terrasse pour Semiramis qu'on va jouer. Cela ressemble aux aténiens qui dépensaient en spectacles quoy qu'ils eussent la guerre avec les barbares. Adieu monsieur, mille tendres remerciments, et mille respects à madame de Ruffey.
V.