à Tourney par Geneve 21 juillet [1759]
Je ne sçais comment faire Monsieur pour vous remercier de touttes vos bontez, et pour payer Messieurs de la chambre des comptes.
Je suis prest de donner une lettre de change de la somme que la chambre exige. Mr Tronchin de Lyon mon banquier fera toucher l'argent à Dijon, selon les ordres qu'on voudra bien me donner. A qui faut il adresser l'argent?
J'observeray seulement que l'on a fait un calcul un peu fort et qu'on n'a pas songé qu'une partie de cette terre relève de L'ancien chapitre de st Victor aux droits du quel les hérétiques de Geneve se sont mis. De tout mon cœur, j'y consens, et puis que je paye au roy sur le pied de 75 m.lt restera peu pour les parpaillots. Je les renverrai à la chambre des comptes. Ce sera un procez. Il faudra bien qu'ils le perdent puisque les épices en sont payées, et qu'on me fait reconaître le roy au lieu d'eux. Franchement j'aime mieux reconnaître le roy ou son engagiste Monseign. le comte de la Marche pour mon seigneur suzerain que la république génevoise. Mais voicy un autre embarras. Si mrs de la chambre des comptes me font payer sur le pied de 75 m.lt, Mg. le comte de la Marche de qui je ne relève que pour 49 m.lt aux termes du contract sera donc en droit de me demander le quint et requint de 75 m.lt
Par là Mrs de la chambre des comptes me coupent la gorge. L'objet devient important. Il faudrait peutêtre que j'allasse à Dijon mais je ne puis quitter le Czar Pierre au quel la cour de Petersbourg me fait travailler jour et nuit. Pierre le grand me tue. Pour Federic il m'égaie, il m'écrit des lettres à faire pouffer de rire, et se moque des Russes, des Autrichiens et des Français.
Je vous suis très obligé du bulletin mon cher monsieur. Je le prendray. On n'a qu'à l'envoyer par la poste aux Délices. L'auteur n'est pas le confident des ministres, mais n'importe, c'est une gazette de plus.
On dira de moy à ma mort comme de votre dijonois,
Je plains mr Lebault. Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir baucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir. Mille respects à madame de Ruffey.
Vous savez que le roy m'a rendu ou donné tous les anciens privilèges de la terre de Fernex. Elle ne paye absolument rien. Il aurait fallu obtenir ce brevet plustost. C'est une très grande grâce. Je me trouve entièrement libre, mais un peu ruiné.
Je voudrais jouir avec vous de mon bonheur. Adieu Monsieur. Pourquoy m'écrivez vous du très humble? Fy, cela n'est pas philosophe.
V.