1766-12-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher ami, l'autre Semiramis ne valait pas celle-ci.
Le Ninus n'était qu'un vilain ivrogne; j'admire sa veuve, je l'aime à la folie. Les Scythes deviennent nos maîtres en tout. Voilà pourtant ce que fait la philosophie. Des pédants chez nous poursuivent les sages et des princesses philosophes accablent de biens ceux que nos cuistres voudraient banir.

Que m. de Beaumont fasse comme il voudra, mais je veux avoir son mémoire; je veux donner aux Sirven la consolation de l'imprimer. Songez bien encore une fois que si nous n'avons pas le bonheur d'obtenir une évocation nous aurons pour nous le cri de l'Europe qui est le plus beau de tous les arrêts. Je compte toujours que m. de Chardon sera le rapporteur. Pour moi si j'étais juge, je condamnerais le bailli de Mazannet à faire amende honorable, à nourrir et à servir les Sirven le reste de sa vie.

Je doute fort que le roi permette la convocation des pairs au parlement de Paris; ou je me trompe fort ou il en sait beaucoup plus qu'eux tous. Il apaise toutes les noises en temporisant.

Geneve est un peu plus difficile à mener que notre nation; mais à la fin on en viendra à bout.

Je me suis apperçu qu'il y a bien des fautes dans la scène du Scythe; mais en gros je voudrais savoir comment vous et Platon l'avez trouvé.

J'embrasse tendrement le favori de ma Catherine. Je vais écrire à ma Catherine et lui dire tout ce que je pense d'elle.

Mandez moi des nouvelles de la pomme de Guillaume Tell. Vous êtes Normand, vous devez vous intéresser aux pommes. Oh comme je vous embrasse!

Je vous prie, mon cher ami, de m'envoyer une lettre de change sur Lyon de cinquante louis dont voici la quittance. L'affaire de Lamberta traîne un peu en longueur, mais elle se fera malgré le dérangement où l'on est.