1748-07-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Je ne verray point Semiramis, mais je vous verray, mon cher et respectable amy.
Il ne faut plus compter sur Cirey, mais enfin madame Dargental ne restera pas toujours à Plombieres, et je vous attraperay sur la route. Je veux la revoir engraissée, et ayant un appétit dévorant. J'ay été sur le point d'aller à Compiegne et à Versailles, mais je reste icy avec ma mauvaise santé, mes paperasses, et bonne compagnie. J'ay écrit à M. l'abbé de Chauvelin pour le remercier. J'ay peur d'avoir fait une sottise, je lui ay adressé ma lettre rue des Blancmantaux. Il me semble que ce n'est pas là qu'il demeure. Je ne me souviens plus du nom de sa rue. Il est plaisant que de Commercy à Plombiere on demande le nom d'une rue de Paris. Vrayment j'approuve de tout mon cœur, le plan de la décoration sans l'avoir vu, je vous en remercie, car c'est vous qui m'avez donné mr le duc d'Aumont, c'est à vous que je dois tout. Que m. l'abbé Chauvelin fasse comme il voudra, tout sera bien fait. Pourvu que la pièce réussisse, ce n'est pas un morceau de toille barbouillée de plus ou de moins qui fait le succez d'un ouvrage. Je dois donc aussi de remerciments à M. le comte de Choiseuil, mais je ne veux pas luy écrire dans la rue des Blancmantaux. Je vous prie de me mander son adresse, en relevant ma bévue sur celle de M. l'abbé Chauvelin. Madame du Chastellet vous fait à tout deux les plus tendres compliments. Adieu mon divin amy, ramenez madame Dargental guaie, saine, et brillante. Mille tendres respects à tout deux.

V.