à Commercy 19 juillet [1748]
Ma chère enfant j'ay compté de jour en jour revenir vous voir.
Je devois aller à Compiegne et de là à Paris. Je me faisois la plus douce des consolations de vous embrasser, et de vous demander des nouvelles d'un ouvrage au quel je m'intéresse comme à votre enfant. Il est bien à vous celuy là. Vous acouchez sans que les autres êtres s'en mêlent, comme Minerve; ce n'est pas Linant qui vous fait ces enfans là. J'aurois embrassé mille fois la mère, et lu et relu ce que vous avez fait. Une maladie à la quelle je ne suis que trop condamné et qui a renouvellé toutte sa violence m'a retenu et me retiendra encor longtemps. Je ne verray ny vous ny Semiramis ny la Dame à la mode, du moins de longtemps. L'état où je suis est cruel. Il n'y a ny plaisir ny travail pour moy, et je suis privé de vous. En vérité je sens que je n'ay pas encor longtemps à vivre. Sera t'il dit que je ne passe pas avec vous les derniers temps de ma vie, et que je n'aye pas la douceur de la finir dans vos bras? Ecrivez moy, consolez moy, mon cœur a plus besoin de vos lettres que mon corps de médecins.
V.