à Commercy ce 2 aoust [1748]
Plus de Cirey mes chers anges.
Madame du Chastelet joue le double veuvage et L'opéra. On ne peut se soustraire un moment à ces importantes occupations. Nous avons représenté au Roy de Pologne comme de raison qu'il faut tout quitter pour mr et mer Dargental. Il a bien été obligé d'en convenir, mais il est jaloux et il veut que vous préfériez Commercy à Cirey. Il m'ordonne de vous prier de sa part de venir le voir. Vous serez bien à votre aise, il vous fera bonne chère, c'est le seigneur de châtau qui fait assurément le mieux les honneurs de chez luy. Vous verrez son pavillon avec des colonnes d'eau, vous aurez l'opéra ou la comédie le jour que vous viendrez. Je vois déjà votre philosofie effarouchée, mais si vous avez quelque idée du roy de Pologne elle doit s'aprivoiser. Cela seroit charmant, c'est votre chemin le plus court, et si vous voulez m'avertir de votre arrivée le Roy vous enverra probablement un relais et vous en donnera un autre pour le retour. Votre voiage ne sera pas retardé d'un seul jour. Vous serez les maîtres absolus du temps, vous arriverez à Paris le jour que vous aurez résolu d'y arriver. Voyez ce que vous pouvez faire pour nous.
Je vais écrire à mr le duc d'Aumont pour le remercier, mais je vous remercieray bien davantage si vous venez. Apropos on dit que la paix pouroit bien être publiée à la fin du mois d'aoust. Cela pouroit fournir quelques spectateurs de plus à Sémiramis. Je commence à avoir grande peur. Je ne seray rassuré que quand vous serez à Paris. Si elle étoit jouée sans vous, mon malheur seroit sûr. Mes adorables anges venez raisoner de tout cela à Commercy. Bonsoir. Madame du Chastellet joint ses prières aux miennes. Refuserez vous les rois et l'amitié?
Mille tendres respects à vous deux.
V.