1759-07-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine Jean Gabriel Le Bault.

Monsieur,

Si vous avez un simple tonnau de votre bon vin, une demi queue, elle sera reçue avec reconnaissance, on la boira à votre santé, on la payera loyalement selon notre coutume.
Mais il faudra attendre que les chaleurs soient passées. C'est une affaire de fin d'automne. Nous verrons alors combien vous voudrez nous donner de vin d'ordinaire. Nous en avons fait venir baucoup, mais il faut le garder longtemps, nous boirons le vôtre en attendant.

Le président de Brosse, quoy que vous vouliez l'excuser en vous moquant de luy, est un négligent, avec le respect que je luy dois, car il pouvait très bien envoyer du plan de Bourgogne en novembre puis que j'ay planté des brimborions de vigne en xbr qui ont très bien réüssi. Ceux que vous eûtes la bonté de m'envoyer vont à merveilles. Je ne me plains de rien dans mes terres que de la rapacité des gens de justice de Gex, qui ruinent tout le pays. Un procureur nommé Dulcis dont le nom est un contre sens, fait vingt pages d'écriture pour quelques vaches entrées dans le pré d'un voisin, et vous met en gros caractères deux mots dans une ligne avec une conjonction ou sans conjonction,

SIEUR ETIENNE
Ami citoyen de et douze lignes
Geneve, étant de dans une page
séjour à Moin

et puis le coquin fait payer 8lt 10 pour sa pancarte, et il en coûte 41lt, et cela se renouvelle tous les jours. Les paysans se réfugient dans le territoire de Geneve, le pays se dépeuple, on n'y trouve pas un ouvrier. Cela est d'autant plus sérieux que personne n'y met ordre. Je vous supplie très instamment Monsieur de vouloir bien me dire comment il faut m'y prendre pour réprimer cet abus intolérable poussé à l'excez. J'attends cette grâce de votre humanité et de votre justice.

J'ay l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire