1759-06-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Comme je suis en Russie jusqu'au cou, je n'ai que le temps, ma chère nièce, de vous dire que je suis confondu de ne recevoir aucune nouvelle de mes anges d'Argentaux; les affaires de Parme sont considérables je l'avoue, et doivent avoir la préférence, mais l'ancienne chevalerie est quelque chose, et mériterait un petit mot.
Mr le duc de Choiseul a toutes les affaires de l'Europe sur les bras, et cependant m'a écrit trois fois pendant que l'envoyé de Parme ne m'écrit point du tout; non seulement il était chargé de l'ancienne chevalerie, mais il l'était encore de quelque argent comptant qu'il avait eu la bonté de vouloir bien faire remettre de ma part au conseil de Mgr le comte de la Marche. Il peut avoir trouvé la chevalerie injouable, mais encore faut il le dire et donner quelque signe de vie.

A-t-il la pièce? ne l'a-t-il point? est il content? en est il fâché? est il paresseux? est il malade?

J'ai envie de mettre le jurisconsulte d'Hornoy aux prises avec le conseil de la maison de Conty pour le former aux affaires. N'imitez point les envoyés de Parme, ma chère nièce. Ecrivez moi et ne disons pas un mot de la fille du vieux chevalier, jusqu'à ce que j'aie mis quelques pompons à ses habits, et quelques diamants à sa coiffure; il ne faut pas qu'une femme paraisse dans le monde sans être mise à son avantage; je la coifferai dès que j'aurai gagné la bataille de Pultawa que mon ami Jean Louis Wagniere et moi allons donner incessamment. Votre sœur et moi nous vous embrassons bien tendrement.