16e juin [1759]
Si vous êtes à Paris, ma chère nièce, il faut que je vous importune encor pour ma chevalerie.
Je vous ai envoié mon brouillon le plutôt que j'ai pu. Il faut pardonner cette précipitation à l'envie de vous amuser. Mais ce n'est qu'un brouillon qu'il faut jetter au feu. J'ai donné cogné pour quelque temps à Pierre le grand en faveur de mes chevaliers. Gardez vous bien de montrer mon brouillon à qui que ce soit au monde, cecy est un secret de famille pour tout le monde, excepté pour Mr De Florian. Cet ouvrage est-il dans vos mains? est il chez Mr D'Argental? Je n'en sçais rien. Je suis toujours tout stupéfait de ne recevoir aucune nouvelle, depuis plus d'un mois, du nouvel envoié de Parme. Il s'était chargé d'une négociation avec mr le comte De La Marche mon seigneur suzerain; rien n'était plus convenable à un ministre. Je lui passe de ne me point instruire de mes affaires, mais je ne puis concevoir qu'il ne me parle point d'une Tragédie. Il faut qu'il ait quelque chose sur le cœur; je vous prie très instamment de m'en éclaircir. Il m'aurait autrefois écrit des volumes sur une pièce de théâtre. Je ne conçois rien à son silence; mettez moi au fait, je vous prie; mais surtout donnez moi des nouvelles de vôtre santé et de vos plaisirs, et aimez toujours un peu le vieux Suisse.
V.
Mon Parmesan m'écrit enfin et m'envoie des volumes d'observations. Vraiment oui, il est bien question de celà! pense-t-il que depuis trois semaines je n'ai pas changé la pièce? Gardons ce secret d'état et amusez vous.