1759-02-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Abram Elie Daniel Clavel de Brenles.

Votre zèle pour vos amis, monsieur, pour l'honnêteté publique, et pour le maintien du bon ordre, triomphera sans doute de l'aveuglement et de la méprise de ceux qui veulent protéger un voleur qui imprime des libelles.
Les magistrats de Genève agissent de leur côté; il est à croire que ceux de Lausanne et l'Académie ne souffriront pas que leur ville soit déshonorée par un infâme et par des infamies. Je mande à peu près les mêmes choses à mr de S***, mon confrère dans l'Académie de Marseille, et j'ajoute que je suis un peu plus utile à la ville de Lausanne que G***, que j'y faisais plus de dépense que quatre Anglais; qu'un notaire de Lausanne avait rédigé mon testament, par lequel je faisais des legs à l'école de charité, à la bibliothèque, à plusieurs personnes, et que la petite rage du bel esprit et de la typographie ne doit pas faire sacrifier la probité et les bienséances.

Les seules annotations que j'ai faites sur le libelle de G***, et que j'envoie à l'Académie suffisent pour faire sentir quelle est l'insolence du libelle. Je vous prie, mon cher ami, de présenter mes tendres et respectueux remerciements à mr le baillif de Lausanne. Il me paraît que vous avez à présent dans votre ville un fou et un fripon à juger.

Je vous embrasse tendrement, mille respects à mad. de Brenles et triomphez des sots, il y en a plus que de fous.

Voltaire