ce 29 [January 1739]
On m'aporte dans le moment le libelle de L'abbé Desf. contre vous, mon cher maitre.
Je crois que le public en pensera comme votre académie. En vérité ce misérable n'a voulu que gagner de L'argent, car quel est le but de son livre? s'il vous plaît. De prouver qu'on pardonne en poésie des tours hardis, des phrases incorrectes, que la prose ne soufre pas? Eh n'est ce pas précisément ce que vous avez dit? à cela près que vous L'avez dit le premier et en homme qui possède sa langue, et qui est un des plus grands maitres. Ou il vous combat mal àpropos, ou il retourne vos idées. Etoit ce la peine de faire un livre? Il L'a imprimé à Avignon mais je crois qu'il n'est pas sauvé quoyqu'il soit en terre papale.
Mr Tiriot vous a sans doute fait voir le mémoire que je suis obligé de publier contre cet ennemy de la probité et de la vérité. Je viens d'y ajouter un article qui vous regarde, c'est dans L'énumération des gens de mérite qu'il a attaquez. Voicy les paroles:
Il s'honoroit de L'amitié et des instructions de Mr l'abbé Dolivet, il fait imprimer furtivement un livre contre luy, il ose le dédier à L'académie française, et L'académie flétrit à jamais dans ses registres, le livre, La dédicace et L'auteur.
Je vous prie de vous souvenir de ce que je vous ay mandé au sujet de L'écrit que je vous communique, il y a quelques années, et du quel on a tiré les matériaux du préservatif.
Pour vous faire voir que l'abbé Desf. ne me prend pas tout mon temps je vous envoye un des nouvaux morceaux qui entreront dans la belle édition qu'on prépare à Paris de la Henriade. J'y joints le commencement de l'histoire du sièclede Louis 14. Ne soufrez pas qu'on en prenne copie. Envoyez moi en échange votre préface sur Ciceron, car j'aime à gagner à mes marchez.
Communiquez tout cela je vous en prie à vos amis et surtout à mr l'abbé Dubos, et tâchez de tirer de luy quelques bonnes instructions sur mon histoire, à la quelle je consacreray les dernières années de ma vie.
Je vous prie de me faire avoir le coup d'état de Silhon. Vous avez cela dans votre bibliotèque de L'académie. Mr Tiriot me L'enverra. Dites moy en quelle année le testament prétendu du C. de Richelieu commença à paraître. J'ay de bonnes preuves, que ce testament n'est pas plus de luy, que le testament de Colbert, de Louvois, du duc de Lorraine Charles 5 et tant d'autres testaments ne sont de ceux à qui on en fait honneur. Celuy qu'on atribue à Richelieu, est comme tous les autres, plein de contradictions. Adieu, je vous embrasse.
V.