aux délices 28 aoust [1758]
Je trouve monsieur au retour d'un assez long voiage que j'ay fait chez L'Electeur Palatin, la lettre dont vous m'avez honoré en datte du 28 juin.
Je me hâte de vous remercier. Je suis bien sensible à vos politesses, et plus encor à votre mérite. Vous joignez le goust à la vraie philosophie. Je crois que la ville de Mézieres n'est guères acoutumée à posséder de tels avantages. L'académie des sciences parait devoir être votre vrai séjour, mais il est bon que la lumière s'étende un peu dans les provinces, et qu'à la longue, tout l'horizon soit éclairé: vos rayons pénétrent jusqu'au lac de Genève. Les observations que vous avez la bonté de faire sont très justes. La parallaxe des étoiles fixes est une exagération, mais je ne sçai si Broadley ne s'est pas servi de cette expression. Il appellait autant que je m'en peux souvenir l'instrument dont il se servit tube paralactique.
Quant à la différence entre une sphère changée en ovale, il est certain que phisiquement parlant la circumférence est toujours la même. C'est ce qui fait que les boulangers vous vendent le même pain rond ou ovale le même prix. Il faut en phisique se contenter toujours des à peu près. C'est la marche de la nature. Il luy importe peu que ses ouvrages soient dans la rigueur matématique. Au reste Monsieur de touttes les vêritez il n'y en a point dont je sois plus convaincu que des sentiments d'estime que je vous dois, et avec les quels j'ay l'honneur d'être Monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilho͞e ord. du roy