A Monrion, 4 de février [1757]
Je vous envoie Idole, Idolâtre, Idolâtrie, mon cher maître; vous pourriez, vous ou votre illustre confrère, corriger ce que vous trouverez de mal, de trop ou de trop peu.
Un prêtre hérétique de mes amis, savant et philosophe, vous destine Liturgie. Si vous agréez sa bonne volonté, mandez le moi, et il vous servira bien.
Il s'élève, à ce que je vois, bien des partis fanatiques contre la raison; mais elle triomphera, comme vous le dites, au moins chez les honnêtes gens; la canaille n'est pas faite pour elle.
Je ne sais quel prêtre de Calvin s'est avisé d'écrire depuis peu un livre contre le déisme, c'est à dire contre l'adoration pure d'un être suprême, dégagée de toute superstition. Il avoue franchement que, depuis soixante ans, cette religion a fait plus de progrès que le christianisme n'en fit en deux cents années; mais il devait aussi avouer que ce progrès ne s'étend pas encore chez le peuple et chez les excréments de collège. Je pense comme vous, mon cher et grand philosophe, qu'il ne serait pas mal de détruire les calomnies que Garasse Berthier ose dédier à monseigneur le dauphin, contre la partie la plus sage de la nation.
Ce n'est pas aux précepteurs de Jean Châtel, ce n'est pas à des conspirateurs et à des assassins à s'élever contre les plus pacifiques de tous les hommes, contre les seuls qui travaillent au bonheur du genre humain.
Je vous dois des remerciements, mon cher maître, sur l'inattention que vous m'avez fait apercevoir touchant l'expérience de Molineux et de Bradley.
Ils appelaient leur instrument parallactique, et ils nommaient parallaxe de la terre la distance où elle se trouve d'un tropique à l'autre, &c. J'ai transporté, de ma grâce, aux étoiles fixes, ce qui appartient à notre coureuse de terre.
Vous me feriez grand plaisir de me mander ce qu'on reprend dans cette histoire générale. Je voudrais ne point laisser d'erreurs dans un livre qui peut être de quelque utilité, et qui met tout doucement sous les yeux les abominations des Campians, des Oldecorns, des Guignards et consorts dans l'espace de dix siècles. Je me flatte que vous favorisez cet ouvrage qui peut faire plus de bien que des controverses. Unissez, tant que vous pourrez, tous les philosophes contre les fanatiques.