1757-04-26, de Jean Le Rond d'Alembert à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai reçu & lu, mon cher et illustre philosophe, l'article Liturgie; il faudra changer un mot dans les Pseaumes, et dire, ex ore sacerdotum perfecisti laudem, Domine.
Nous aurons pourtant bien de la peine à faire passer cet article, d'autant plus qu'on vient de publier une déclaration qui inflige la peine de mortà tous ceux qui auront publié des Ecrits tendansà attaquer la religion, mais avec quelques adoucissemens tout ira bien, personne ne sera pendu, et la vérité sera dite. J'ay fait vos complimens à mon camarade, qui vous remercie de tout son cœur, & qui compte vous faire lui même les siens en vous écrivant incessamment. Je suis charmé que vous ayez quelque satisfaction de notre ouvrage. Vous y trouverez, je crois, presque en tout genre d'excellens articles; il y en a dont nous ne sommes pas plus contens que vous ne le serez, mais nous n'avons pas toujours été les maitres de leur en substituer d'autres. A tout prendre je crois que l'ouvrage gagne à la lecture, et je compte que le volume 7e au quel nous travaillons effacera tous les précédens. Je renvoyerai aujourd'hui à Briasson sa Religion vengée, et je n'aurai pas le même reproche à me faire que vous, car je ne l'ouvrirai pas. Je vous recommande Garasse Berthier, qui à ce qu'on m'a assuré, vous a encore harcelé dans son dernier journal. Voilà les ouvrages qui auroient besoin d'être réprimés par des déclarations. Je gage que le nouveau règlement contre les libelles n'empêchera pas la gazette janséniste de paroitre à son jour. A Propos de Jansenistes savez vous que l'Evêque de Soissons vient de faire un mandement où il prêche ouvertement la tolérance, et où vous lirez ces mots: Que la religion ne doit influer en rien dans l'état civil, si ce n'est pour nous rendre meilleurs citoyens, meilleurs parens, &c., que nous devons regarder tous les hommes comme nos frères, payens ou chrétiens, hérétiques ou orthodoxes, sans jamais persécuter pour la religion qui que ce soit, sous quelque prétexte que ce soit. Je vous laisse à penser si ce mandement a réussi à Paris. Adieu, mon cher confrère, je vous embrasse de tout mon cœur. Mes respects à Made Denis.