à Strasbourg 12 aoust [1758]
J'ay des choses importantes à vous communiquer madame; et ce qui est bien plus important à mon cœur, j'ay à vous voir, et à vous entendre.
Cependant je ne pourai jouir de l'honneur de vous faire ma cour à Lausane avant le 27 ou le 28 du mois. Si mon extrême empressement de vous revoir peut servir à accélérer mes affaires, certainement je seray à vos ordres avant le 27; mais vous savez que l'envie de terminer vite, rend quelquefois les affaires longues. Je ne répons donc que du 27 ou du 28 du mois. Je vous réitère encor ma très instante prière de m'instruire de vos marches et de vos ordres à Soleure chez Mr l'ambassadeur de France où je serai incessament.
Et si malheureusement madame vos intérêts, ou votre passion pour Marie Terèse ou votre brillante imagination vous faisaient partir du tranquile séjour de la Suisse avant le 27 ou 28 de ce mois, songez que vous me trouverez dans cette Suisse ou à Soleure, ou à Bale, ou sur les grands chemins, et que si vous ne me donnez vos ordres, je cours les prendre sur le grand chemin de Vienne. La destinée s'est quelquefois moquée de vous et de moy, mais il ne faut pas luy laisser le plaisir de faire que nous aiant donné un rendez vous à deux cent lieues, nous y ayons manqué tout deux. Mon corps chétif va très lentement, mon cœur va très vite, et il sera rempli toujours pour vous madame du respect et de l'attachement le plus véritable.
V.