1767-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Johann Benedikt Roch.

Le Suisse est sensiblement touché de la bonté de mon cher major.
Je ne sçais pas quand je pourai profiter de ses offres obligeantes. J'ai une si horrible fluxion sur les yeux que je crains de ne pouvoir aller voir mr L'ambassadeur à qui j'avais donné ma parole de lui faire ma cour incessamment à Soleure, pour arranger quelques petites affaires. Nous avons déjà une formidable armée pour investir Geneve. J'ai trente dragons à Tournay. Il y a une infanterie moins nombreuse à Saconney, et d'autres détachements depuis Versoi jusqu'à Colonge. Le commandant est Mr le chevalier de Virieux homme de grande naissance de Dauphiné qui a beaucoup de mérite et de politesse. Je crois que les Dames de Genêve ont pris un peu trop d'allarme. Le parti des citoiens ne parait pas disposé à faire la plus légère violence. J'ai bien peur que tout commerce ne soit interrompu pendant tout l'hiver aumoins, entre mon petit territoire et celui de Genêve qui est encor plus petit que le mien du côté de Gex. Celà est très embarassant pour mes pauvres Vassaux, pour nos domestiques et pour nous.

J'embrasse mon cher major le plus tendrement du monde.

V.