1743-10-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Graf Otto Christoph von Podewils.

Je reviens bien lentement mon cher et respectable amy mais mon coeur va très vite. Il vous dit qu'il va vous chercher à la Haye où je compte passer deux jours. Je voyage à rebours de don Quichotte qui prenait toutes les hôtelleries pour des châtaux. Moy je prends tous les châtaux pour mes hôtelleries. J'ay passé quatre jours à Brunsvik, me voycy chez madame la comtesse de la Lippe, mais quand serai-je auprès de vous? Je vous suplie de ne me pas loger dans ce grand apartement royal, mais de vouloir bien faire mettre un matelat dans quelque chambre en bas comme celle qui est derrière l'endroit où vous mangez. Je seray de plein pied à vous. Je me flatte que le petit Pascal est arrivé. Pardon de mes libertés, quand on aime les gens au point où je vous aime on ne prend garde à rien.

Je crois fermement par la manière dont j'ay entendu le roy parler de vous que certaine pension vous regarde, mais que ce n'est que pour l'année prochaine.

Un roy est un homme bien heureux de pouvoir récompenser un homme comme vous.

Adieu, homme aimable fait pour les cours et pour les républiques, et surtout pour l'amitié. Je vous suis dévoué pour ma vie comme vous méritez qu'on le soit

Volt.