1754-02-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes.

Monsieur,

Les maladies qui m'accablent et qui me mènent où Monsieur de la Reiniere est allé, me privent de la consolation de vous témoigner de ma main combien je suis sensible à tout ce qui vous regarde.
Permettez, Monsieur, qu'en même tems j'aie l'honneur de vous adresser le procez verbal ci-joint. Je mets aussi sous vôtre protection une lêttre à Mgr. le Chancelier. La calomnie va vite et la vérité va lentement. Pourquoi faut-il qu'il soit si aisé de dire au roi que j'ai fait un livre impertinent et qu'il soit si difficile de dire que je ne l'ai pas fait? L'acte public que j'ai l'honneur de vous envoier doit servir au moins à démontrer mon innocence, s'il ne sert pas à faire cesser une persécution injuste. Personne n'est plus à portée que vous de rendre gloire à la vérité, et peut-être un mot de vôtre bouche dit à propos m'empêcherait de mourir hors de ma patrie. Quoi qu'il arrive je serai jusqu'au dernier moment avec bien de la reconnaissance et du respect,

Monsieur

Vôtre très humble et très obéïssant serviteur

Voltaire

P. S. Je vous supplie instamment de vouloir bien empêcher l'entrée d'un nouveau libelle intitulé nouveau volume du siécle de Louis XIV etc.. imprimé à la Haye chez Jean Van Duren.