à la Haye ce 18 de septemb. [1740]
Je vous sers monsieur plutôt que je ne vous l'avois promis, et voylà comme vous méritez qu'on vous serve.
Je vous envoye la réponse de Smith. Vous verrez de quoy il est question. Quand nous partîmes tout deux de Cleves, et que vous prites à droite et moy à gauche, je crus être au jugement dernier où le bon dieu sépare ses élus des damnez. Divus Federicus vous dit, Asseyez vous à ma droitte dans le paradis de Berlin, et à moy il me dit, Allez maudit en Hollande. Je suis donc dans cet enfer phlegmatique, loin du feu divin qui anime les Federic, les Maupertuis, les Algarotis. Pour Dieu, faites moy la charité de quelques étincelles, dans les eaux croupissantes où je suis morfondu! Instruisez moy de vos plaisirs, de vos desseins. Vous verrez sans doute monsieur de Vallory, présentez luy je vous en suplie mes respects. Si je ne luy écris point, c'est que je n'ay nulle nouvelle à luy mander Je serois aussi exact que je luy suis dévoué, si mon commerce pouvoit luy être utile ou agréable.
Voulez vous que je vous envoye quelques livres? Si je suis encor en Hollande à la réception de vos ordres, je vous obéiray sur le champ? Je vous prie de ne me pas oublier auprès de M. de Keizerling.
Mandez moy je vous prie si l'énorme monade de Volf argumente à Marbourg, à Berlin ou à Hall. Adieu monsieur. Vous pouvez m'adresser vos ordres à la Haye, à la vieille cour. Ils me seront rendus partout où je seray, et je seray par toutte terre à vous pour jamais.
V.