1758-07-22, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Votre Procédé Monsieur, est si grand, si beau, si généreu, que j'en suis toute pénétré d'admiration et de reconoissance, je crois même qu'il est unique vis à vis d'un particulier à un prince: coment se faire caution pour un prince pour une some d'argent assés considérable sans vouloir seulement accepter une assurence de sa part! cela est inoui et sans exemple! mais aussi n'avés Vous point d'égal.
Le Duc est extrèmement touché de ce que Vous avés fait pour lui, et nous cherchons ensemble les moyens de Vous constater notre parfaite et sincère gratitude. Notre Ministre a écrit incessament au Sr: Labat selon ce que Vous me mandiés lors que je Vous répondis à Votre précédente lettre, mais nous n'avons pas encor de réponse de sorte que nous somes un peu en peine par raport à cette lettre de notre Ministre: si elle a été intercepté ou perdue c'est ce que nous ignorons encor? J'ose Vous prier de Vous informer de son sort, ou peutre de celui de la réponse du Sr: Labat au cas qu'il aye reçue la dite lettre.

Nous acceptons avec empressement la proposition que Vous nous faite Monsieur au cas que nous aurons quelque chose à dire [ou]à chercher à la Cour de France. Nous somes trop flattés de Votre Amitié pour ne pas vouloir la mettre en usage en tems et lieu. L'on dit ici qu'on a fait quelque changement dans le Ministère de France, ce que je ne crois pourtant pas encor. Où il se trouve actuellement beaucoup de changement c'est dans la situation du Roi de Prusse qui par une catastrophe a été obligé de quiter Le siège d'Olmuz et même toute la Moravie. O Providence qui peut te méconoitre! plus je vis et plus je l'adore et plus j'y mets toute ma confiance. Grand Dieu ne profanés donc pas le nom de Neutralité pour nous. Nous somes tout ce que l'on veut que nous soyons: nous somes foibles, voilà ce que nous somes et resterons selon toute aparence éternellement: non du côté du coeur, mais vis à vis de notre situation, de nos resources et en comparaison de ceux qui nous entourent, car nous somes continuellement entre l'enclume et le martau. En gémissant sur nos circonstances, sur nos malheurs, je compatis et je me désole pour toute l'humanité. Malgré cela Monsieur je suis ferme, et je sens que le tout est bien. Ma constance s'étend encor plus loin que dans le monde métaphisique, je suis constante en amitié, je Vous admirerai toujour et je Vous chérirai tant que je respirerai. Toute ma famille Vous idolâtre, de même que l'aimable grande Maitresse, elle souffre, elle craint, elle soupire, mais elle Vous aime, Vous loue et Vous lit avec transport.

Apropos j'ose Vous recomender deux Princes de Meklenbourg Streliz qui ont étés ici pour quelques heures et qui veulent séjourner pour quelques tems à Geneve, ils sont sans conoissances dans ce païs là et ils auront bien besoin de Votre protection, ils paroissent aimables pour leur âge et sont pleins de bone Volonté pour se perfectioner; intéressés Vous pour eux je Vous en conjure. La confiance que Vous avés sûs m'inspirer vas toujour en augmentant, si j'en abuse c'est Votre faute et non la miene. Je suis de toutes mes facultés Votre tendre amie et Votre dévouée servante

LD

Je n'écris pas assurément de la bone encre mais ce n'est en vérité pas ma faute.