De Versailles, le 5 mai 1758
Monsieur,
Il y avait autrefois un jeune homme que vous aimiez comme votre enfant, & qui vous respectait comme son père en Apollon.
Cet enfant eut la faiblesse & le malheur de s'éloigner de son père; le ciel l'en punit. Il fit des Egyptus qui tombèrent, il fit d'autres sottises; en un mot, rien ne lui prospéra. Dans l'amertume de ses regrets, il dit: 'J'irai vers mon père'. Et pour se présenter avec la robe blanche, il alla se purifier chez les cakouacs; & parmi ce peuple vertueux & persécuté tout retentissait de votre nom. Ce fils qui vous aimait toujours, mêla sa faible voix à ce concert de louanges, & il s'écria comme tout le monde: 'Mon père est la lumière de son siècle; il est revêtu de force & de grâce; il porte d'une main le pinceau de la poésie, de l'autre le compas de la raison. Il grave la vérité sur des tables de diamant; il trace avec des fleurs les sentiers de l'Art & du Goût; il vole sur les ailes du génie.' Votre fils vous loua, & il fut loué. L'ange de la prospérité le prit par la main, le conduisit dans une campagne riante & fertile, & lui dit: 'Voilà le champ que je t'ai réservé; si tu veux que je te donne des moissons abondantes, jette toi dans le sein de ton père & obtiens de lui qu'il daigne le semer'. Je suis avec une piété filiale, &c.