aux Délices près de Geneve 20 avril 1758
Monsieur,
Je me console du retardement des instructions que votre Excellence veut bien m'envoier, dans l'espérance qu'elles n'en seront que plus amples et plus détaillées.
La création de Pierre le grand devient chaque jour plus digne de l'attention de la postérité. Tout ce qu'il a créé, se perfectionne sous L'empire de son auguste fille L'impératrice à qui je souhaitte une vie plus longue que celle du grand homme dont elle est née.
Je me flatte monsieur que ceux qui sont chargez par votre Excellence du soin de Rédiger les mémoires n'oublieront ny les belles campagnes contre les Turcs, ny celles contre les Suedois ny ce que votre illustre nation fait aujourdui. Plus votre empire sera bien connu et plus il sera respecté. Il n'y a point d'exemple sur la terre d'une nation qui soit devenue si considérable en tout genre en si peu de temps. Il ne vous a fallu qu'un demi siècle pour embrasser tous les arts utiles et agréables. C'est surtout ce prodige unique que je voudrais développer. Je ne serai monsieur que votre secrétaire dans cette noble et grande entreprise. Je ne doutte pas que votre attachement pour L'impératrice et pour votre patrie ne vous ait porté à rassembler tout ce qui pourra contribuer à la gloire de l'une et de l'autre. La culture des terres, les manufactures, la marine, les découvertes, la police publique, la discipline militaire, les loix, les mœurs, les arts, tout entre dans votre Plan. Il ne doit manquer aucun fleuron à cette couronne. Je consacreray avec zèle Les derniers jours de ma vie, à mettre en œuvre ces monuments prétieux, bien persuadé que la collection que je recevrai de vos bontez sera digne de celuy qui me l'envoye, et répondra à la grandeur et à L'universalité de ses vues patriotiques.
J'ay l'honneur d'être avec le plus respectueux attachement
Monseigneur
de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire