1757-02-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Fedor Pavlovich Veselovsky.

Monsieur,

J'ai reçu une Lettre que j'ai crû d'abord écritte à Versailles, ou dans nôtre académie; et c'est vous, Monsieur, qui me faittes l'honneur de me L'adresser.
Vous me proposez ce que je désirais depuis trente ans; je ne pourais mieux finir ma carrière qu'en consacrant mes derniers travaux & mes derniers jours à un tel ouvrage.

Je ferais le voïage de Pétersbourg si ma santé pouvait le permettre mais dans l'état où je suis je vois que je serai réduit à attendre dans ma retraite les matériaux que vous voulez bien me promettre.

Voici quel serait mon plan. Je commencerais par une description de L'état florissant où est aujourd'hui l'empire de Russie, de ce qui rend Pétersbourg recommandable aux étrangers, des changements faits à Moscou, des armées de L'Empire, du commerce, des arts, et de tout ce qui a rendu le gouvernement respectable.

Ensuite, je dirais que tout celà est d'une création nouvelle, et j'entrerais en matière pour faire connaître le créateur de tous ces prodiges. Mon dessein serait de donner ensuite une idée précise de tout ce que L'Empereur Pierre le-grand a fait, depuis son avênement à L'Empire, année par année.

Si monsieur le Comte de Schowalof a la bonté, monsieur, comme vous m'en flattez, de me faire parvenir des mémoires sur ces deux objets, c'est-à-dire, sur l'état présent de L'Empire, et sur tout ce qu'a fait Pierre le-grand, avec une carte Géographique de Pétersbourg, une de L'Empire, l'histoire de la découverte du Kamskatka, et enfin des renseignemens sur tout ce qui peut contribuer à la gloire de vôtre païs, je ne perdrai pas un instant; et je regarderai ce travail comme la consolation et la gloire de ma vieillesse.

La suite des médailles est inutile, elles se trouvent dans plusieurs recueils, et la matière de ces médailles est d'un prix que je ne peux accepter. Je souhaiterais seulement que Monsieur le Comte de Schowalof voulût bien m'assurer que Sa Majesté L'Impératrice désire que ce monument soit élevé à la gloire de L'Empereur son père, et qu'elle agrée mes soins.

Voilà Monsieur, quelles sont mes dispositions. Je me tiendrai très honoré et très heureux si elles s'accordent avec les vôtres. J'attendrai vos ordres, et ceux de monsieur le Comte De Schowalof, à qui vous me permettrez de présenter ici mes respects, en recevant les miens.

J'ai L'honneur d'être Monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois

Vôtre très humble & très obéissant serviteur

Voltaire