1758-04-08, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai reçu votre lettre de Lausanne du 22.
En vérité tous les panégyriques que l'on prononce pendant la vie des princes me paraissent aussi suspects que les ex-voto offerts à des images qui cessent de faire des miracles, et après tout qui sont ceux qui apprécient la réputation? Souvent les fautes de nos adversaires font tout notre mérite; j'ignore s'il y a un Turretin prisonnier à Berlin. Si cela est il peut retourner à sa patrie sans que l'état coure le moindre risque. On dit que vous faites jouer la comédie aux Suisses, il ne vous manque que de faire danser les Hollandais. Si vous vouliez faire un Acacia, vous auriez bonne matière en recueillant les sottises qui se font dans notre bonne Europe. Les gens méritent d'être fessés, et non pas mon pauvre président qui pourrait avoir fait un livre sans beaucoup l'examiner, mais ce livre n'a fait ni ne fera jamais dans le monde le mal que font les sottises héroïques des politiques. S'il vous reste encore une dent employez la à les mordre, c'est bien employé. Les mauvais vers pleuvent ici, mais vos grandes affaires de votre comédie sont trop respectables pour que je veuille vous distraire par ces balivernes. Adieu. Je suis ici dans un couvent où l'abbé dira des messes pour vous, pour votre âme et pour vos comédiens.

Federic