à Lausane 9 février [1758]
La triste lettre est partie mon cher correspondant.
Si on osait, on vous dirait qu'il est à craindre que la France ne fasse la guerre en duppe, et qu'elle ne perde baucoup d'argent et baucoup d'hommes, pour ne rien gagner du tout, et pour aguerrir et agrandir ses ennemis naturels. Peutêtre eût il mieux valu bâtir des vaissaux et envoier dix mille hommes prendre les possessions anglaises. Le guain aurait au moins dédommagé de la dépense.
En vérité sans les commerçans qui sont occupez sans cesse à réparer les pertes que fait le gouvernement, il y a longtemps que la France serait ruinée. Vous ne me saurez pas mauvais gré de cette petite réflexion.
Je vous supplie de présenter mes respects et mes regrets à S. E.
Quand vous serez à Paris je m'adresserai à mr Camp pour le temporel, et je m'adresserai toujours à vous pour tout ce qui dépend de l'amitié. Ce n'est pas, par parentèse, que je ne compte aussi baucoup sur l'amitié de M. Camp.
Voylà un plaisant envoy, que des habits de téâtre! Mais il faut contenter made Denis. C'est bien le moins que je luy doive. De bon vin vaudrait pourtant mieux au milieu des neiges qui commencent à m'ennuier baucoup.
Madame Denis ne vous souhaitte pas encor un heureux voiage, car elle ne sait pas que vous irez à Paris. Vous m'avez enjoint de ne le dire à personne. Adieu mon très cher correspondant.
V.
Vous avez reçu sans doute ma lettre de change sur l'envoyé Palatin.