à Lausane 20 [dbre 1757] au soir
Quand les Prussiens tuent tant de monde, il faut bien aussi que je vous assassine de lettres mon cher ange.
Il est difficile que vous ayez sçu plustôt que nous autres suisses, la nouvelle victoire du Roi de Prusse près de Neumark en Silésie. Ce diable de Salomon est un terrible philistin. La renommée le dit déjà dans Breslau, mais il ne faut pas croire toujours la renommée. Elle parle d'une bataille entre M. de Richelieu et les hanovriens, elle prétend que nous avons été très mal menez, et je n'en veux rien croire. Car si cela était vrai, nous perdrions encor cent mille hommes et deux cent milions comme dans la guerre de 1741, dont dieu nous préserve. Peut on songer à des Fanimes à l'eau rose, quand on joue des tragédies si sanglantes? Dites moy donc je vous en prie, si vous êtes content, si vous avez eu ce que vous appelez votre audiance.
Ecrivez moy un mot pour consoler le Suisse
V.