aux Délices 7 xbre [1757]
Vous devez savoir mon cher correspondant la journée des 17 ponts jettez en même temps sur l'Oder, des 13 attaques faittes à la fois aux retranchements prussiens, et du sang répandu pendant six heures, et des prussiens battus et de leur canon pris, et de leur retraitte dans Breslau et de Breslau bloqué.
J'attends de Vienne un plus ample détail. Voilà ce qu'on m'a marqué en gros et à la hâte à l'arrivée des postillons cornants du cor et annonçant dans Vienne le 25 nbre cette grande affaire du 22 qui nous vange et qui nous humilie. Je serai bien stupéfait si on veut écouter à Versailles des propositions du roy de Prusse. Ce qu'on y craint le plus après le fou roulant, c'est de donner le plus léger ombrage à l'impératrice. On ne peut plus séparer ce qu'un moment a uni. Le roy de Prusse peut encor donner une bataille, dire des bons mots, plaire aux vaincus, et déchirer des draps pour faire des bandages aux blessez, c'est ce qu'il fit le cinq nbre au soir, mais à la fin il faut qu'il succombe, à moins qu'on ne se conduise comme en 1742. Je ne sçais encor nulle nouvelle positive de la fidélité des hanovriens et des hessois, mais il est bien sûr que sans les autrichiens nous serions perdus.
Qui aurait dit au C. de Richelieu que les français devraient un jour leur salut en Allemagne aux armes autrichiennes l'eût bien étonné. Cosi va il mondo.
Le bled renchérit. Ainsi trouvez bon que je mette dans votre escarcelle un petit billet d'Andalousie de 4386 tournois.
Permettez que je mette les incluses dans votre paquet.
Les arbres viendront bien àpropos avant que j'aille à Lausane et que je sois tout suisse.
Je vous embrasse du meilleur de mon âme. Ainsi fait made Denis.
V.
Apropos ne vous ai-je pas dit que demeurant à la campagne j'envoic quelques fois mes lettres trop tard à la ville, et que vous les recevez l'ordinaire d'après?