1757-12-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Le petit Gaiot madame ne nous apprend rien mais pourquoy ne m'aprenez vous pas que le vingt deux les serviteurs de Marie Térese ont attaqué en treize endroits les retranchements des prussiens sous Breslau, les ont tous emportez, et ont gagné une bataille meurtrière et décisive qui nous vange et qui redouble notre honte.
Les français sont heureux d'avoir de tels alliez. Si le Roy de Prusse avait les mains libres je plaindrais fort de pauvres trouppes éloignées de leur pays, n'ayant point de maréchal de Saxe à leur tête, et ayant apris à faire très mal le pas prussien, tout étourdis et tout sots de paraître devant leurs maîtres qui leur enseignent le pas redoublé en arrière. Le roy de Prusse m'avait écrit trois jours avant sa bataille du 5

Quand je suis voisin du naufrage
Je dois en affronter l'orage
Penser, vivre et mourir en roy.

Nous n'avons pas voulu qu'il mourût, mais les généraux autrichiens le veulent. Portez vous bien madame, vous et votre digne amie. Made Denis qui se porte mieux vous présente ses obéissances très humbles.

V.