aux Délices 17 xbre [1757]
Puisque vous voulez madame, mettre le portrait de votre saint dans votre oratoire, voicy l'antienne qui peut convenir à vos sentiments pour luy.
J'exprime mes idées avec les vôtres madame, mais je suis un vieux suisse qui n'est pas fait pour prétendre à la jouissance comme vous. Si j'étais plus jeune, si j'avais de la santé, les choses ne se passeraient pas ainsi. J'aurais fait mon pélerinage à Vienne, j'aurais tâché d'entrevoir de loin L'immortelle Terese, de pouvoir m'aprocher un peu du grand homme qui vous enchante, de Remercier le très aimable monsieur de Durazzo, de faire quelques coquéteries à la belle Idamé dont vous êtes si contente. Au lieu de me donner touttes ces belles fêtes, je vais quitter les neiges du voisinage de Geneve pour les glaçons de Lausanne, je vais madame au lieu de vers doux et galants en faire de tristes sur vos perfidies, sur vos inconstances, sur les promesses trompeuses que vous m'aviez faittes de venir philosofer avec moy, sur le beau billet que vous avez donné à Panchaud; tantôt vous poursuivez votre procez, tantôt vous partez pour Venise, puis vous vous engagez pour le pays de Vaud, de là vous faites votre paquet pour Rome, et somme totale, vous restez à Vienne. Je le crois bien vraiment. La gloire de votre auguste Terese, et les succez de votre grand homme, de belles victoires, de belles fêtes, tout cela vaut bien la Suisse. Souvenez vous au moins de moy madame quand vous aurez gagné quelque nouvelle bataille et pris quelque capitale.
Mille respects,
V.