25 [Obre 1755]
Sur des lettres que je reçois de Paris je suis obligé mon cher ange de vous supplier très instamment de faire réciter la scène dernière du quatrième acte comme je l'ay imprimée, en conservant les corrections que j'ay envoyées et dont on a fait usage à Fontainebleau.
Je sçai bien et je l'ay mandé plusieurs fois qu'il faut dire nous mourrons je le sçai, au lieu de tu mourras je le sçai. Mais on me mande que les vers cependant du tiran, j'irrite la furie, je te laisse en ses mains, je luy livre ta vie, je m'immole après toy, je t'en donne ma foy, jettent un froid mortel sur cette scène. Je te donne ma foy de mourir après toy, est pris de Chimene, est touchant dans Chimene, et à la glace dans Idamé. C'est bien cela dont il s'agit! il n'y a pas là d'amourette. Je veux mourir cher époux, vis ma chère femme, tout cela est au dessous d'Idamé et de Zamti. Au nom de Dieu faite jouer cette scène comme je l'ay faitte en mettant seulement nous mourrons au lieu de tu mourras. Point de lieux comuns sur la promesse de mourir, sur des prières de vivre. Non érat his locus. La vie n'est rien pour ces gens là. Je vous en supplie mon cher ange ayez la bonté de penser comme moy pour cette fin du quatrième acte. Otez moy cependant du tiran j'irrite la furie. Je vous écris en hâte, la poste part. Cette maudite pucelle d'Orleans est imprimée; et je suis bien loin d'être en état de refaire mes chinois. Ils iront comme ils pouront, mais ne refroidissons point cette fin du 4ème acte. Pardon, pardon.
V.