aux Délices 12 septb [1757]
Mon divin ange, moi qui n'ai point pris les eaux de Plombiere, je suis bien malade, et je suis puni de n'avoir point été faire ma cour a made Dargental.
Je voudrais qu'on eût brûlé avec la fausse Jeanne le détestable auteur de cette infâme rapsodie: elle est incontestablement de la Baumelle, mais s'il n'est pas ars, il est en lieu où il doit se repentir.
On dit que c'est l'abbé de Berni qui a ménagé le rétablissement du parlement. Si cela est, il joue un bien beau rôle dans l'Europe et en France. Je ne luy ai jamais écrit depuis mon absense. J'ay toujours craint que mes lettres ne parussent intéressées, et je me suis contenté d'aplaudir à sa fortune sans l'en féliciter. Qui eût cru quand le roy de Prusse faisait autrefois des vers contre luy, que ce serait luy qu'il aurait un jour le plus à craindre!
Les affaires de ce roy, mon ancien disciple et mon ancien persécuteur, vont de mal en pis. Je ne sçais si je vous ai part de la lettre qu'il m'a écritte il y a environ trois semaines. J'ay apris dit il que vous vous étiez intéressé à mes succez et à mes malheurs. Il ne me reste qu'à vendre cher ma vie, etc. etc. Sa sœur la markgrave de Bareith m'en écrit une baucoup plus lamentable. Allons, ferme, mon cœur, point de faiblesse humaine.
Mon cher ange j'écrirai pour Brisard tout ce que vous ordonnerez. Ayez la bonté de m'instruire de son admission dans le rang des héros dès qu'on l'aura reçu. J'espère que l'autre héros de Mahon gouvernera mieux son armée que le tripot de la comédie.
Apropos de Mahon, savez vous que l'amiral Bing m'a fait remettre en mourant sa justification? Me voylà occupé à juger Pierre le grand et l'amiral Bing. Cela n'empêchera pas que je n'obéisse à vos ordres tragiques. Si qua numina lœva sinunt audit que vocatus Apollo.
En voylà baucoup pour un malade. Made Denis et le suisse V. vous embrassent tendrement.