1757-09-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Premièrement mille obéissances, mille tendres compliments à tout Tronchin de tout sexe et de tout âge.

Ensuitte je vous dirai que dans une lettre de Vienne du 24 aoust nous lisons ces paroles, Nous recevons la confirmation d'une glorieuse victoire remportée par le colonel Janus à Landshut en Silésie avec cinq ou six bataillons contre huit mille prussiens commandez par deux généraux. La perte de l'ennemi passe trois mille hommes, tandis que la nôtre, ce qui est peu croiable, mais ce qui est très vray, n'est que de 17 morts, et de quatrevingt un blessez. Cette nouvelle a besoin dans mon église d'un nouvau sacrement de confirmation.

Or mes amis ouvrez les yeux et les oreilles. Le roy de Prusse m'écritqu'il ne doute pas que je ne me sois intéressé à ses succez et à ses malheurs, et qu'il luy reste de vendre cher sa vie etc. La markgrave de Bareith m'écrit une lettre lamentable, et je suis actuellement occupé à consoler l'un et l'autre. Je ne hais pas ces petites révolutions; elles amusent et elles exercent; elles affermissent la philosofie.

Madame Denis vous embrasse. Elle s'occupe à faire une maison très agréable de la maison du Chene. Nous espérons vous y posséder quelque jour. Nous y avons déjà mangé des gelinotes.

Je me flatte que la tracasserie de Servet est anéantie, du moins elle l'est par mon silence. Je ne songe qu'à vivre et à mourir tranquile soit au Chene soit aux Délices pourvu que ce soit auprès de vous

Si quid novisti rectius istis
candidus imperti….et vale.

V.