aux Délices 28 9bre 1756
Je suis persuadé, mon ancien ami, que vous ne serez pas privé du petit legs que vous a fait made de La Popliniere; son mari, qui en avait usé si généreusement avec elle, en usera de même avec vous.
Il aime à faire des choses nobles. Je compterais autant sur son caractère que sur son billet. Je n'ose vous prier d'ajouter au petit paquet de livres que vous m'envoyez cette infâme édition de la pucelle qu'on dit faite par la Beaumelle et par Darnaud. Je ne devrais pas infecter mon cabinet de ces horreurs, mais il faut tout voir. Je me flatte que les honnêtes gens ne m'imputeront pas de telles indignités. En vérité il faudrait faire un exemple de ceux qui en imposent ainsi au public et qui répandent le scandale sous le nom d'autrui. On me parle encore de je ne sais quels vers qui courent contre le roi de Prusse. Ceux qui me soupçonnent me connaissent bien mal. C'est le comble de la lâcheté d'écrire contre un prince à qui on a appartenu.
Je vous fais mon compliment de quitter vos moines. Il n'y a que leur bibliothèque de bonne, et vous avez à deux pas celle du roi qui est meilleure.
Mes respects à made de Sandwich. Je crois qu'elle n'est pas fâchée des humiliations que les whigs essuient. La France joue à présent un beau rôle dans l'Europe. On sent encore mieux cette gloire dans les pays étrangers qu'à Paris. On entend la voix libre des nations. Elles parlent toutes avec respect, jusqu'aux anglais mêmes, il leur manquait d'être humbles.
Adieu, la goutte et la calomnie me tracassent. Je vous embrasse.
V.