1756-04-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Je viens de lire la gazette; et en conséquence, je vous prie mon ancien ami de faire corriger la note sur Baile s'il en est temps.
Je ne veux point me brouiller avec gens qui traittent si durement Pierre Baile. Le parlement de Toulouse honora un peu plus sa mémoire, mais altri tempi altre curæ.

L'auteur des notes sur le sermon de Lisbonne ne pouvait prévoir qu'on ferait une st Barthelemi de Baile, du pauvre jésuitte Berruier, de l'évêque de Troye, et de je ne sçais quelle Cristiade.

Il faut retrancher tout ce passage, je crois devoir essaier d'adoucir icy etc. et mettre simplement, tout sceptique qu'est le philosophe Baile, il n'a jamais nié la providence etc.

Et à la fin de la note il faut retrancher ces mots, c'est que les hommes sont inconséquents; c'est qu'ils sont injustes. Ces mots étaient une profétie. Supprimons la. Les prophètes n'ont jamais eü beau jeu dans ce monde.

Mettons à la place, c'est apparemment pour d'autres raisons qui n'intéressent point ces principes fondamentaux mais qui regardent d'autres dogmes non moins respectables.

Je vous prie mon ancien ami de ne pas négliger cette besogne: elle est nécessaire. Il se trouve par un malheureux hazard que la note telle qu'elle est deviendrait la satire du discours d'un avocat général, et d'un arrest du parlement. On pourait inquiéter le libraire, et savoir mauvais gré à l'éditeur. Le pauvre père Berruier sera de mon avis. Tâchez donc mon ancien amy de racomoder par votre prudence la sottise du hazard.

Je crois actuellement mr de Richelieu dans port Mahon. Il n'est pas allé là par la cheminée.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.