à Monrion 29 [February 1756]
Mon cher confrère je serais déjà dans notre petit hermitage, qui n'a mérité son nom de Délices que quand nous vous y avons reçu, si ma déplorable santé m'avait permis de me transplanter.
Je n'ay pas encor pu trouver le moment d'aller à Lausane depuis que je suis sous Lauzane. Je me flatte enfin de venir vous voir avant la fin de la semaine. Oserais-je vous prier monsieur de vouloir bien me prêter votre secours pour me délivrer d'une inondation de jardiniers qui se sont emparez de nos Délices? Le ciel m'en avait donné quatre et il en est venu encor un cinquième. Je crois qu'à la fin le sr Tombay renoncera à l'idée de rester chez moy. Vous savez qu'il est averti depuis près de six mois. Je ne sçais ce que je lui dois de gages n'aiant pas ici mes papiers. Mais si vous vouliez avoir la bonté de lui faire donner quarante écus de Geneve à compte chez mr Cathala, je réglerais le reste à mon arrivée. Je vous demande très humblement pardon de ma ridicule prière, mais je compte sur votre bonté. Les plus petites choses acquièrent du prix auprès de vous quand il s'agit de rendre un bon office à vos amis. La grosse Billot va faire l'amour je ne sçais où. Notre petit hermitage est à l'abandon. Il faut arriver.
Madame Denis vous dit les choses les plus tendres. Ne m'oubliez pas je vous en prie, auprès de tout ce que vous avez à Genéve de la tribu Tronchin. Dieu conduise et ramène le docteur! Bon soir. Je suis à vous sur le bord du lac, et sur celui du Bosphore.
V.