à Monrion 20 janvier [1756]
Je m'adresse à vous, mon cher philosophe bienfaisant.
Je reçois un paquet d'un gentil-homme du Vivarais, nommé Mr De Fages, qui se trouve actuellement à L'auberge de la Couronne. Il m'a écrit une Lettre qui accompagnait ce paquet; Il veut venir chez moi; il me parait dans la pauvreté. L'Etat languissant où je suis, et le monde que j'ay dans ma petite cabane ne permettent guères de recevoir chez moi un inconnu. Tout ce que je peux faire c'est de lui donner quelque argent s'il en a besoin, et de le recommander à vos bontez si vous l'en trouvez digne. Je vous supplie donc monsieur de vouloir bien Luy donner trente Livres de France de ma part en cas qu'il soit dans la nécessité. Supposé qu'il soit un homme de mérite malheureux, peut être que leurs excellences voudront bien lui faire ressentir l'effet de leurs générosités qu'ils répandent avec tant de noblesse. Quoi qu'il en soit mon cher monsieur, il ne s'agit que d'une œuvre charitable; à qui puis-je mieux m'adresser qu'à vous? Vous pouvez faire prier cet étranger de passer chez vous; et lui faire rendre son paquet. Le reste dépendra de son mérite, et de vos bontez.
Je vous supplie de me mander par quelle voye je puis vous faire tenir les trente Livres dont cet étranger peut avoir un besoin pressant. Je ne vous demande point pardon de cette Lettre importune, Les devoirs de L'humanité font ma justification.
V.
Je vous embrasse bien tendrement.